Cette apesanteur que l’on resent lorsque l’on flotte allongé à la surface… Légèreté. Comme installé dans un nuage liquide. Détente. Aucun muscle en tension. Aucun point sous pression.
L’élément liquide compense la force de gravité. Et cet équilibre physique semble se transformer naturellement en sérénité. La tête se vide. Au mieux elle caresse des pensées positives. Des pensées sans gravité.
Archimède a théorisé l’explication physique: “Tout corps plongé dans un liquide reçoit de celui-ci une poussée verticale égale au poids du volume du liquide déplacé”. Mon père a toujours eu une fascination pour ce phénomène. Et c’est sans doute par reconnaissance pour ses grandes joies de navigation qu’il a fait apprendre par coeur la formule à tous ses enfants. Ce qui a procuré à cette progéniture moyennement équipée pour la Physique une joie furtive au moment où le sujet était enfin abordé à l’école.
Oui c’est un titre un peu bizarre pour cette image. J’aime bien le nom des lieux. Agio Nikolaos (Saint Nicolas), c’est le petit rocher au pied d’Oia où est construit une chapelle.
Un coin parfait pour plonger, à 15 minutes de nage de la falaise. A côté de la chapelle, un petit abri dans lequel un pêcheur garde ses filets au sec. Lézarder au soleil après la baignade, le dos nu appuyé sur la chaux tiède de ce vieux mur, est un luxe. Profiter de la beauté pure de ce site incroyable. Penser à la soirée que l’on va passer là-haut, tout en haut de la falaise. Se réjouir à l’avance de cette vue stupéfiante qui donne un supplement de gout à toutes les saveurs du diner.
Figer des reflets c’est attraper des formes fugitives. Qui se ressemblent toujours. Et qui n’en finissent pas de se transformer en d’autres formes. Dans une composition éternellement unique, à chaque instant.
J’avais en tête de peindre cette image depuis longtemps. Je me posais deux questions: arriverai-je à trouver le moyen de rendre la luminosité de ce moment? Et quel titre pourrai-je bien lui trouver? La lumière a fini par arriver. Le nom est un morceau de poème de Louise-Victorinne Ackerman. Une poétesse française dont j’ignorais le nom et l’oeuvre. Mais j’aime bien comment ces mots vont avec cette peinture.
Premiers jours de septembre. Mon voilier semble deviner l’hivernage. Dernière journée de navigation. Elle a intérêt à être bonne, c’est assez dur comme ça. Soit distrayante, sportive, franche brise. Soit détendante, belle, mer calme. Là c’était du splendide. Cadeau de fin de vacances. Légère brume de grand beau dans la matinée qui s’étire. De bons amis sur la plage. C’est ce matin là que je fais les images qui inspireront « Duel de Sauterelles ». Une baignade, un pique nique et on embarque! La surface est lisse. Souffle caressant, juste suffisant pour glisser le long de la silhouette de la côte. Du mouillage jusqu’au port. Tout doucement. Le temps de profiter complètement du spectacle. Les yeux font de leur mieux pour remplir la mémoire. Plus je regarde cette île, plus je la trouve belle. Plus elle me manque.
« Depuis que je suis petit, j’ai une espèce de maladie: toutes les choses qui m’émerveillent s’en vont sans que ma mémoire les garde suffisamment » (JH Lartigue). Ses merveilles à lui sont souvent des moments. Je crois que j’ai cette même maladie. C’est peut-être pour ça que j’adore JH Lartigue.
Ce photographe précoce est devenu peintre parce que photographie n’était pas encore une activité sérieuse. Il expose dans la même galerie que Monet à Paris. Amusantes coïncidences: j’ai découvert son travail à NYC l’année de sa mort (1986). Et il était devenu un grand nom mondial de la photographie à NYC l’année de ma naissance.
La chance sourit aux esprits préparés: En 1962, il a 100.000 clichés au compteur, mais se croît peintre. Lors d’une escale à NYC, une rencontre est organisée par un ami avec John Szarkowski, nouveau jeune conservateur du département photographie au MoMa, . Coup de foudre. En 1963, à 69 ans, il expose pour la première fois en tant que photographe… au MoMa!!! En novembre de la même année, Life magazine lui consacre un article de 10 pages dans le numéro… qui raconte l’assassinat de JFK à Dallas quelques jours plus tôt. Il avait rencontré le jeune sénateur Kennedy 10 ans plus tôt chez des amis à Antibes. Ce numéro fait le tour de la planète et installe sa notoriété mondiale.
Picasso disait que « l’art sert à se laver l’âme de la poussière de tous le jours ». L’expression personnelle donne de la beauté et du sens à l’expérience humaine. Lartigue a passé une journée entière à photographier avec gourmandise Picasso et son univers. Il a fait ça toute sa vie: attraper ce qui l’émerveillait.
Son travail en couleur a récemment été exposé au FOAM d’Amsterdam. J’ai eu un coup de coeur pour 4 photos, dont celle de son amie Marie Bailey. Il aimait les femmes et cela se voit dans cette image.
Cette île-là se mérite. La Gomera: un petit caillou au Sud des Canaries. Un Cône qui arrête les nuages sur sa pointe et entretient une forêt millénaire sur son toît. C’est par là que passaient toutes les marchandises pour circuler d’une vallée à l’autre. Le centre d’une étoile de ravins qui tombent dans un Atlantique sauvage.
Une communication si compliquée que s’y est développée une langue unique: el silbo Gomero. La seule langue sifflée au monde. Encore parlée par la plupart des 20 000 habitants de l’île. Inscrit par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « Le Grand Bleu » m’avait mis sur la piste d’Amorgos. Le clip « Silbo » du chanteur Féloche m’a entraîné sur cette île étonnante. Le royaume des lauriers centenaires, des bananiers, des baleines… et des randonneurs. Les balades sont toutes spectaculaires. Comme celle qui mène à Alojera. Le genre de coin où on arrive pas par hasard. Un minuscule port lové au creux d’une petite anse.
Une des rares qui ne se trouve pas au fond d’un ravin. L’endroit est austère. Semble destiné à encaisser les tempêtes d’Ouest. Sa jetée en premier rôle. Si vous êtes au bout, cela ressemble à cela par beau temps. Et si vous y rester jusqu’en fin d’après-midi, vous réalisez qu’après une journée à casser de la houle le coin se régale en soirée d’un coucher de soleil qui permet de mieux comprendre les habitués en terrasse.
C’est ici! Paradise beach. C’est son nom. Il y en a sur toutes les belles îles, je sais. Mais ici c’est différent: on est sur Amorgos. Au bout d’un chemin, dans l’axe du coucher de soleil. La transparence est au rendez-vous. Le soleil aussi. Les falaises ocre dense. L’eau vert sinople. En fin d’après-midi, on peut sauter au-dessus du soleil et frôler le paradis.
Partir le matin par la plage. Slalomer entre les rochers de la pointe du Cob. Longer les Souzeaux. Pénétrer dans le bois. Surplomber l’Anse rouge. Monter encore. Les pieds nus sont habitués à éviter les racines de chênes verts. Sauter au-dessus d’une faille. Jeter un oeil au balcon du phare de la Pointes des Dames. Se souvenir de cette vue magique là-haut, où l’on pouvait surplomber la canopée quand on était enfant. Descendre vers la plage en dérapage contrôlé sur la sapinette. Puis l’Estacade apparaît dans une trouée. Sud-Est. Soleil pleine face.
Les pieds passent du granit frais aux poutres de chêne tièdes. Marcher sans trop regarder entre les planches, tout en bas, les vagues. Surtout, garder l’orteil cambré: un accident d’entre-planches a vite fait de ruiner au moins une précieuse semaine de vacances. Respirer le vent qui commence sa bascule vers le Nord-Ouest. A mi-parcours, ça sent déjà vraiment le large. Comme si on était en train de tirer des bords au milieu de la baie. Compter les éperlans dans les seaux des pêcheurs. Avancer tranquillement jusqu’au bout. Une fois arrivé, faire une pause: prendre le temps de profiter de la vue tout autour. Le bois est sublime vu d’ici.
Grimper sur la balustrade entre deux pêcheurs. S’élancer en plein air. Plonger dans le grand bleu. Ca y est. Les vacances ont commencé!
Cette frontière bouge sans cesse. Selon que la vaguelette que l’on regarde est au soleil ou a l’ombre. Selon qu’il s’agisse du côté de l’oscillation qui fait face au soleil ou bien de l’autre. On bascule sans cesse des reflets bleu de ciel aux transparences vert de mer. Cette sophistication graphique me fascine. Quelques ourlets d’écume pour faire exploser le blanc et je suis comblé.
Grande chaleur. On se faufile entre les énormes paquebots du port. Dans ce port, la mer a déjà la couleur qu’il me faut. Les collines d’Athènes disparaissent dans le sillage. De longues heures à slalomer entre les îles pendant que le soleil descend. Amorgos est une île qui se mérite. Les plus belles demandent un peu de patience. Le temps de prendre son temps. Faire des photos. Dessiner. Prendre sa première ration de soleil grec en rêvant d’un endroit qui va réussir à nous émerveiller. Encore.