Faire des bulles sous l’eau. Souffler un peu d’air. Permettre au corps de mieux rester au fond. Et aux yeux d’admirer ces balles de mercure se bousculer vers la surface. C’est comme souffler du verre sans être limité par la matière première. Finalement si. La matière première ici c’est l’air. Et il faut remonter en chercher avant de plonger à nouveau.
La vague arrive, le rouleau se forme, offrir le dos à l’onde, fermer les yeux en attendant l’impact. La grande claque d’écume. Et les rouvrir pour admirer le spectaculaire geyser.
L’ombre portée très franche du chapeau sur le visage et sur l’épaule. Celle plus diffuse qui vient des arbres plus lointains. Et les ombres toutes proches: l’ombre propre de son sein gauche. Son ombre portée sur le sein droit.
Ajoutez un perroquet bleu sorti de nulle part et laissez le photographe Lars Botten construire une image superbement graphique. Avec la silhouette non moins graphique de la jeune mannequin portugaise qui monte: Isilda Moreira.
Cette apesanteur que l’on resent lorsque l’on flotte allongé à la surface… Légèreté. Comme installé dans un nuage liquide. Détente. Aucun muscle en tension. Aucun point sous pression.
L’élément liquide compense la force de gravité. Et cet équilibre physique semble se transformer naturellement en sérénité. La tête se vide. Au mieux elle caresse des pensées positives. Des pensées sans gravité.
Archimède a théorisé l’explication physique: “Tout corps plongé dans un liquide reçoit de celui-ci une poussée verticale égale au poids du volume du liquide déplacé”. Mon père a toujours eu une fascination pour ce phénomène. Et c’est sans doute par reconnaissance pour ses grandes joies de navigation qu’il a fait apprendre par coeur la formule à tous ses enfants. Ce qui a procuré à cette progéniture moyennement équipée pour la Physique une joie furtive au moment où le sujet était enfin abordé à l’école.
Certaines postures sont magnétiques. Elles signent la personnalité d’un individu encore plus fortement que sa silhouette. J’ai toujours trouvé cela saisissant.
Voilà Jesi Le Rae: une muse radieuse et énergique aux jambes interminables. Cambrure de matador capturée par l’objectif solaire de la géniale photographe australienne Carly Brown. Je suis le travail de Carly depuis un moment sur instagram. J’aime beaucoup son univers créatif, découvert grâce au très inspirant “Last daze”: un gisement d’histoires photographiques qui pimente votre quotidien de manière addictive . Cette image m’a attrapé l’oeil. Je devais la peindre. Carli a eu la gentillesse de me prêter son inspiration. Jesi a accompagné la peinture en cours avec un enthousiasme communicatif. J’ai adoré peindre cette toile.
Les cheveux sauvages de Jesi m’ont aussi inspiré ce dessin. Il fait partie de la série « sketching in the air » que j’exposerai bientôt à Paris.
Oui c’est un titre un peu bizarre pour cette image. J’aime bien le nom des lieux. Agio Nikolaos (Saint Nicolas), c’est le petit rocher au pied d’Oia où est construit une chapelle.
Un coin parfait pour plonger, à 15 minutes de nage de la falaise. A côté de la chapelle, un petit abri dans lequel un pêcheur garde ses filets au sec. Lézarder au soleil après la baignade, le dos nu appuyé sur la chaux tiède de ce vieux mur, est un luxe. Profiter de la beauté pure de ce site incroyable. Penser à la soirée que l’on va passer là-haut, tout en haut de la falaise. Se réjouir à l’avance de cette vue stupéfiante qui donne un supplement de gout à toutes les saveurs du diner.
Elle vient d’une matinée grecque. Au pied d’Oia, Santorin. Je crois que c’était la première baignade de l’été 2013. En bas d’un chemin dans la falaise rouge de 200m, on touche une eau lumineuse.
La paroi volcanique vous domine de toute sa masse et s’enfonce vers les profondeurs de la Caldera. Cela rend la première plongée un peu intimidante. Et puis rapidement, le plaisir de l’eau qui enveloppe, les nuages de poissons insouciants. On oublie l’abîme et on vole. On se sentait très bas il y a cinq minutes. On se sent soudain très haut. Et on adore ça.
Figer des reflets c’est attraper des formes fugitives. Qui se ressemblent toujours. Et qui n’en finissent pas de se transformer en d’autres formes. Dans une composition éternellement unique, à chaque instant.
J’avais en tête de peindre cette image depuis longtemps. Je me posais deux questions: arriverai-je à trouver le moyen de rendre la luminosité de ce moment? Et quel titre pourrai-je bien lui trouver? La lumière a fini par arriver. Le nom est un morceau de poème de Louise-Victorinne Ackerman. Une poétesse française dont j’ignorais le nom et l’oeuvre. Mais j’aime bien comment ces mots vont avec cette peinture.
Voilà… La salle immense est vide. Elle a abrité du sel pendant des siècles. De l’océan, du vent et du soleil pendant 10 jours. Je claque l’énorme porte en chêne massif. Je mets en bouteille un grand cru de beaux moments.
Un an que je travaillais dans mon atelier d’Amsterdam en pensant à cet endroit. Chaque week-end, le stock de tableaux progressait et la playlist avançait. Cinq ans après, je voulais retourner sur le lieu de ma première expo et refaire le plein de souvenirs magiques.
Déployer les 32 toiles sur les murs. Contempler le résultat d’ensemble pour la première fois. Y accueillir d’un coup la foule du vernissage. Le lendemain matin (pas trop tôt) ouvrir les portes aux premiers visiteurs et dégoupiller la bande son. Recevoir en vrai un couple d’Anglais fidèles depuis toujours sur Facebook. S’étonner d’en faire des amis en vrai deux soirs plus tard.
Profiter des moments privilégiés sous les toiles avec la famille et les amis. Déguster la lumière et suivre la marée en mettant une tête dehors, sur le port. Jouer au marchand de cartes postales.
Répondre aux questions enthousiastes de l’amateur. Assister au coup de foudre du collectionneur. A sa joie de revenir plusieurs jours de suite parler en silence à son tableau et le rêver sur son mur. Se laisser doucement envahir par l’émotion que provoque la toile de Mère Grand.
Oser peindre en live pour la première fois. S’amuser des groupes qui se forment derrière. Dire bonjour des centaines de fois pour déclencher les conversations. Se délecter de celles qui s’enclenchent avec les enfants.
Accueillir tous les commentaires. Finir par comprendre mieux ce qui fait la singularité du travail exposé. Dédicacer un art book. Se détendre sur un transat et regarder.
Et le dernier matin… se consoler d’être à la fin avec le p’tit-déj-pain-au-raisin de clôture promis par un voisin qui vous veut du bien.
Fin d’après-midi. Le thermique s’est calmé. Les dériveurs et les annexes sont remontés sur la plage. Les cousins sur la dune, les uns après les autres. Décoiffés par la brise. Du sable plein les pieds, du sel plein les yeux. C’était une chouette journée! De celles qu’il faut ralentir et faire durer car elles comptent double dans le souvenir des vacances. Bientôt l’heure de rejoindre nos chaumières respectives pour la soirée. Faire traîner, profiter… S’asseoir par terre côté Sud à l’abri du vent sur la terrasse de granit et réchauffer son dos contre le mur de chaux . Mère grand est toujours dans les parages.
Elle qui était si heureuse en mer n’a plus l’âge de naviguer. Elle suit dans la journée les voiles de chacun du haut de sa dune, dans le Noroît. Puis récolte les récits de chacun le soir côté Sud. La bande de lézards se retrouve pas loin de la porte de sa chambre. A l’entrée de cette caverne d’ombre parfumée de térébenthine, on refait le monde. La robe de grand-mère attrape les derniers rayons de soleil. L’air de ne pas y toucher, elle lance ces petites questions anodines qui permettent de jauger l’état des troupes, de recouper l’actualité de l’île et de la famille. La complexité des arabesques qu’elle dessine avec sa canne dans le sable est proportionnelle à celle que ses pensées traversent. Et elles se concluent souvent d’un « et t’en pense quoi, toi? » ponctuée d’un petit rictus souriant, mélange de bienveillance, de malice et de doute.
Quand j’ai démarré cette toile, je savais que je la garderais pour moi. Privilège d’une conversation en face à face. A chaque coup de pinceau j’essayais d’imaginer ce que disaient les arabesques en dessous du tableau, invisibles. Pour la première fois, cette sensation d’être observé par mon sujet pendant que je peignais. Des heures à modeler ce visage jusqu’à ce que le regard et chacune des petites rides, ensemble, finissent par composer cet imperceptible sourire, inquisiteur et protecteur.