Savoir avancer dans les petits airs demande un peu de talent. Connivence avec les courants. Connaissance de sa monture. Comment remue-t-elle ses formes pour passer dans un reste de houle au ralenti ? A quel toucher de barre répond-t-elle ? Le spi se lâche, fier d’être moteur. La quille s’étire. C’est relâche. Verticale. Profil bas au portant.
Je ne sais plus exactement ce que les deux sauterelles regardaient. C’était au Nord des rochers de la pointe du Cob (si vous voulez savoir à quoi ce rocher ressemble, regardez la bande annonce du film Boomerang).
Je sais qu’elles attendaient leur grand-père qui rentrait très lentement d’une après-midi en mer dans son fameux canot Sterna. Thermique tombé. Gite forcée pour affuter le sillage et profiter des derniers souffles d’air. Une éternité pour parcourir les derniers miles. La plage est vide. Le soleil est plus bas, plus ambré, et plus chaux aussi depuis qu’il a largué le vent. Ca va aller : on peut attendre une éternité… jusqu’à l’heure de l’apéro.
C’est comme cela chaque Printemps depuis 25 ans. A Pâques, on espère la nouvelle affiche des régates du Bois de la Chaise. Cet événement de yachting classique fait partie de l’île de Noirmoutier. L’île fait partie de ma vie. Les régates et leur affiche aussi.
Ces régates ressemblent à leur île. Depuis plus d’un siècle (1895), les yachtmen du Bois de la Chaise cohabitent l’été avec les marins locaux. Tout ce petit monde se croise à pied les jours de grande marée, un filet à la main. En vélo les jours de marché.
Et entre les bouées d’un parcours au large du fameux bois de chênes verts à mi Août. Spectacle équitable : aussi beau et joyeux pour les équipiers que pour les promeneurs. Les camaïeux d’ambre des vieux gréements font vibrer les bleus de ciel et de mer. Les silhouettes parfaites des coques à l’échouage hypnotisent les photographes. Trois jours de réjouissance bon enfant qui se terminent en banquet au pied du vieux château. C’est là que les équipages décoiffés aux embruns refont le match : les lancement de spi acrobatiques, les passages de bouée hasardeux, les remontées spectaculaires … Et le souvenir des chants d’Eric Tabarly à ces mêmes tablées enveloppe tout ce petit monde d’une réconfortante certitude : être entre marins aussi conviviaux qu’avertis. L’équipage de Pen Duick qui ne s’y trompe pas ne rate d’ailleurs jamais cette étape.
Depuis 1989, l’association La Chaloupe fait renaître les vieux gréements de prestige au travers de cette fête patrimoniale. Chaque année, elle commande une création à un peintre pour l’affiche de saison. La contribution de certains anciens (Paul Vincent Darasse) et contemporains (Morlaine) ont marqué cette collection et nourri mon inspiration. En 2014, pour fêter ses 25 ans, l’association fait appel à concours. J’en suis. Me régale sur un petit format carré de 50cm. Devine bien que le sujet ne correspond pas idéalement au brief. Ne suis pas retenu pour l’affiche… mais le tableau est exposé avec les autres sur la place d’Armes et fait la couverture d’Artistes magazine.
Décembre 2014, je suis en train de fêter avec des amis l’arrivée de Noël dans un très ancien bar du port d’Amsterdam quand Marie Bruley, Chargée de l’évènementiel pour l’île et administratrice de l’association, me contacte pour me proposer mon premier cadeau : l’affiche 2015. Après une revue de mes centaines de clichés sur les régates, je tombe sur une image faite par la talentueuse photographe Valérie Lanata. Pas mieux ! Quelques mois, de nombreux mails et des heures au chevalet plus tard, la toile est prête. Amsterdam-Rennes bien à l’abri dans une solide caisse en bois. L’essai est superbement transformé par un photographe breton et un imprimeur vendéen. Rarement vu une reproduction si fidèle de tableau.
Cette semaine, dans le bureau de l’Association, nous fêtions l’ouverture de cette saison 2015 et le lancement de l’affiche avec la presse. Chaleureuse bâtisse en bois posée sur le quai Sud du vieux port, baignée par une belle lumière d’Ouest. En écoutant le passionné président Christian Demur rappeler l’histoire des régates aux journalistes, j’ai eu deux pensées amusées. Pour mon père, qui a gagné ces régates dans la catégorie « petit canot à voile » en multi récidiviste jusqu’à ses 80 ans sur Sterna, un bateau fait de ses mains. Et pour un de mes fils qui a sans doute trouvé là un brin d’élan dans le choix de son métier : charpentier de marine.
Régates du Bois de la Chaise 2014 – Antoine Renault – acrylique sur toile 50x50cm
Le bois de la Chaise, c’est un endroit magique sur l’île de Noirmoutier. Les régates du bois de la Chaise, c’est un moment magique au large de ce bois. Le 15 août de chaque été, depuis 1894. Ce qui se fait de plus racé, élancé ou simplement charmant comme voilier traditionnel se retrouve à régater devant des plages cernées de chênes verts. L’association « la Chaloupe » a fait revivre ces régates il y a … 25 ans. L’occasion d’organiser un concours de peinture pour l’affiche de cette année. Ces régates, c’est bien sûr l’échouage spectaculaire et convivial sur la plage des Dames, la joyeuse et populaire remontée du port. Et … c’est les régates !
Du fidèle Pen Duick aux petits canots locaux, 140 voiliers bois élancent leurs gréements dans la brise thermique. Beaucoup de petits équipages familiaux qui ne rateraient ce moment pour rien au monde, se battent avec ardeur entre les bouées puis rentrent sagement se poser au corps mort quand le vent descend avec le soleil. C’est l’image d’un moment où l’on refait le film des bords tirés dans la journée, et on anticipe celui des apéros à partager dans la soirée 🙂
Mon père a gagné à plusieurs reprises les régates dans sa catégorie, sur un voilier de sa fabrication. Un de mes fils est devenu charpentier de marine. Je ne saurai pas fabriquer un canot moi-même ni gagner une régate dessus … mais j’adorerai peindre une affiche pour ces mythiques régates qui m’ont déjà inspiré « lendemain de régate » et « 8mJ sous spi » !
La Clère, c’est le nom de ma plage. La plage, c’est là où toute les belles histoires commencent pour moi. Dans cette image, je retrouve la chaleur de l’été en début d’après-midi, juste après le café. On est sur la terrasse.
"On se retrouve a la clère ?" - A Renault 2013 - Acrylic on canvas 73x54cm
J’entends le vent thermique souffler en tête des chênes verts, prometteurs de belles glissages en windsurfs pendant quelques heures. En attendant de propulser les voiles, il s’amuse dans la tignasse de ma fille. J’entends aussi les vagues qui commencent à rouler un peu plus bruyamment sur la plage à cinquante mètres de là. On est sur la terrasse. Des tomettes anciennes qui renvoient une lumière ocre dans les ombres du T-shirt. C’est ici que l’on viendra prendre un thé après quelques heures en mer. Quand le soleil descend à l’Ouest. On y est si bien qu’on y égare volontiers son temps au soleil à bavarder. La lumière y est forte. Elle rend les silhouettes belles et l’envie de photographier forte. C’est souvent là où l’on se dit au revoir à la fin des vacances. Au revoir à cet amour d’île avec un petit pincement au coeur.
« Ah ! qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de nous ». Cette citation d’opéra-comique a longtemps été le slogan du comptoir le plus connu de l’île. Le « CNN » c’est le « Café Noir Noirmoutier ». Intemporel et incontournable point de rencontre après le marché. Un piano bar chic et branché mené par un galeriste passionné : le lieu idéal pour siroter un cocktail entre amis en commentant les dernières toiles retenues par le patron. C’est l’endroit que je préfère pour prendre le soleil en terrasse avec un croque-madame-Mélusine-café-noir après avoir arrimé le bateau dans le port. Quand on est là, tranquille, posé face au quai et au soleil, c’est vraiment doux. Et quand les toiles qui sont accrochées derrière sont les siennes, la Mélusine est vraiment bonne.
Seize d’entre elles sont là jusqu’au 13 octobre, dont les dernières productions de l’été. Je les envie les veinardes ! Elles vont en entendre des récits de croisières et de soirées, des scoops, des confidences. Elles vont en savourer des soirées au piano. Elles vont en croiser des regards. Intrigués, curieux, amateur… ou pas, furtifs ou insistants. C’est déjà un plaisir de les accrocher là. L’endroit semble fait pour elles.