Les voiles d’avant piaffent. Prendre le vent avant les autres, c’est leur boulot. Mais dans un temps comme aujourd’hui, c’est un privilège. Le bout dehors est à la hauteur de leur impatience et les emmène chercher de la traction loin devant la proue. La trinquette enchaîne en transition juste derrière. La carène taillée pour le large a pris son rythme, bien callée sur le flanc tribord. Elle divise la houle dans une parfaite impartialité, la laissant se refermer derrière dans un sillage léger mais élaboré.
Le spectacle de ce cotre puissant qui file plein ouest pourrait en impressionner plus d’un. Pas la mer… Elle est sa raison d’être, son terrain de jeu. Elle est à la source. L’inspiration de son architecte, la passion de ses charpentiers. Elle décide de tout et révèle tout. S’il est beau dans ses lignes, c’est pour elle et grâce à elle.
D’ailleurs, cela ne la laisse pas insensible, la mer. Pour la première fois, elle qui d’habitude contrôle si bien tout autour, du clapot du jour aux risées de bonne humeur. Elle se laisse cette fois complètement dépasser par ses émotions. Un battement de cœur lui échappe. Soulève un ourlet d’une transparence lumineuse. Lance quelques perles joyeuses …