L’âme adore nager

Elle vient d’une matinée grecque. Au pied d’Oia, Santorin. Je crois que c’était la première baignade de l’été 2013. En bas d’un chemin dans la falaise rouge de 200m, on touche une eau lumineuse.

"L'âme adore nager" 2017©AntoineRenault  Acrylic on canvas 100x70cm

« L’âme adore nager » 2017©AntoineRenault Acrylic on canvas 100x70cm

La paroi volcanique vous domine de toute sa masse et s’enfonce vers les profondeurs de la Caldera. Cela rend la première plongée un peu intimidante. Et puis rapidement, le plaisir de l’eau qui enveloppe, les nuages de poissons insouciants. On oublie l’abîme et on vole. On se sentait très bas il y a cinq minutes. On se sent soudain très haut. Et on adore ça.

Le cercle éternel des formes fugitives

Figer des reflets c’est attraper des formes fugitives. Qui se ressemblent toujours. Et qui n’en finissent pas de se transformer en d’autres formes. Dans une composition éternellement unique, à chaque instant.

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J’avais en tête de peindre cette image depuis longtemps. Je me posais deux questions: arriverai-je à trouver le moyen de rendre la luminosité de ce moment? Et quel titre pourrai-je bien lui trouver? La lumière a fini par arriver. Le nom est un morceau de poème de Louise-Victorinne Ackerman. Une poétesse française dont j’ignorais le nom et l’oeuvre. Mais j’aime bien comment ces mots vont avec cette peinture.

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Mère grand

Fin d’après-midi. Le thermique s’est calmé. Les dériveurs et les annexes sont remontés sur la plage. Les cousins sur la dune, les uns après les autres. Décoiffés par la brise. Du sable plein les pieds, du sel plein les yeux. C’était une chouette journée! De celles qu’il faut ralentir et faire durer car elles comptent double dans le souvenir des vacances. Bientôt l’heure de rejoindre nos chaumières respectives pour la soirée. Faire traîner, profiter… S’asseoir par terre côté Sud à l’abri du vent sur la terrasse de granit et réchauffer son dos contre le mur de chaux . Mère grand est toujours dans les parages.

"Grand-mère Maud" 2016©AntoineRenault acrylic on canvas 70x50cm

« Grand-mère Maud » 2016©AntoineRenault acrylic on canvas 70x50cm

Elle qui était si heureuse en mer n’a plus l’âge de naviguer. Elle suit dans la journée les voiles de chacun du haut de sa dune, dans le Noroît. Puis récolte les récits de chacun le soir côté Sud. La bande de lézards se retrouve pas loin de la porte de sa chambre. A l’entrée de cette caverne d’ombre parfumée de térébenthine, on refait le monde. La robe de grand-mère attrape les derniers rayons de soleil. L’air de ne pas y toucher, elle lance ces petites questions anodines qui permettent de jauger l’état des troupes, de recouper l’actualité de l’île et de la famille.  La complexité des arabesques qu’elle dessine avec sa canne dans le sable est proportionnelle à celle que ses pensées traversent. Et elles se concluent souvent d’un « et t’en pense quoi, toi? » ponctuée d’un petit rictus souriant, mélange de bienveillance, de malice et de doute.

Quand j’ai démarré cette toile, je savais que je la garderais pour moi. Privilège d’une conversation en face à face. A chaque coup de pinceau j’essayais d’imaginer ce que disaient les arabesques en dessous du tableau, invisibles. Pour la première fois, cette sensation d’être observé par mon sujet pendant que je peignais. Des heures à modeler ce visage jusqu’à ce que le regard et chacune des petites rides, ensemble, finissent par composer cet imperceptible sourire, inquisiteur et protecteur.

Se souvenir des belles choses

images« Depuis que je suis petit, j’ai une espèce de maladie: toutes les choses qui m’émerveillent s’en vont sans que ma mémoire les garde suffisamment » (JH Lartigue). Ses merveilles à lui sont souvent des moments. Je crois que j’ai cette même maladie. C’est peut-être pour ça que j’adore JH Lartigue.

Washing away from the soul the dust of everyday life AntoineRenault 2016   Acrylic on canvas 100x70cm

« Washing away from the soul the dust of everyday life » ©AntoineRenault2016
Acrylic on canvas 100x70cm    Inspired by JH Lartigue photography

 Ce photographe précoce est devenu peintre parce que photographie n’était pas encore une activité sérieuse. Il expose dans la même galerie que Monet à Paris. Amusantes coïncidences: j’ai découvert son travail à NYC l’année de sa mort (1986). Et il était devenu un grand nom mondial de la photographie à NYC l’année de ma naissance.

LIFE maagazinelartigue_autoLa chance sourit aux esprits préparés: En 1962, il a 100.000 clichés au compteur, mais se croît peintre. Lors d’une escale à NYC, une rencontre est organisée par un ami avec John Szarkowski, nouveau jeune conservateur du département  photographie au MoMa, . Coup de foudre. En 1963, à 69 ans, il expose pour la première fois en tant que photographe… au MoMa!!! En novembre de la même année, Life magazine lui consacre un article de 10 pages dans le numéro… qui raconte l’assassinat de JFK à Dallas quelques jours plus tôt. Il avait rencontré le jeune sénateur Kennedy 10 ans plus tôt chez des amis à Antibes. Ce numéro fait le tour de la planète et installe sa notoriété mondiale.

Picasso disait que « l’art sert à se laver l’âme de la poussière de tous le jours ». L’expression personnelle donne de la beauté et du sens à l’expérience humaine. Lartigue a passé une journée entière à photographier avec gourmandise Picasso et son univers. Il a fait ça toute sa vie: attraper ce qui l’émerveillait.

Son travail en couleur a récemment été exposé au FOAM d’Amsterdam. J’ai eu un coup de coeur pour 4 photos, dont celle de son amie Marie Bailey. Il aimait les femmes et cela se voit dans cette image.

Volviendo de Alojera

c28e3e2085992d58294abe38657d39d7Cette île-là se mérite. La Gomera: un petit caillou au Sud des Canaries. Un Cône qui arrête les nuages sur sa pointe et entretient une forêt millénaire sur son toît. C’est par là que passaient toutes les marchandises pour circuler d’une vallée à l’autre. Le centre d’une étoile de ravins qui tombent dans un Atlantique sauvage.

ply593_imgGM-D-171Une communication si compliquée que s’y est développée une langue unique: el silbo Gomero. La seule langue sifflée au monde. Encore parlée par la plupart des 20 000 habitants de l’île. Inscrit par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « Le Grand Bleu » m’avait mis sur la piste d’Amorgos. Le clip « Silbo » du chanteur Féloche m’a entraîné sur cette île étonnante. Le royaume des lauriers centenaires, des bananiers, des baleines… et des randonneurs. Les balades sont toutes spectaculaires. Comme celle qui mène à Alojera. Le genre de coin où on arrive pas par hasard. Un minuscule port lové au creux d’une petite anse.

"Volviendo de Alojera"  ©AntoineRenault2016 70x50cm

« Volviendo de Alojera » ©AntoineRenault2016 70x50cm

Une des rares qui ne se trouve pas au fond d’un ravin. L’endroit est austère. Semble destiné à encaisser les tempêtes d’Ouest. Sa jetée en premier rôle. Si vous êtes au bout, cela ressemble à cela par beau temps. Et si vous y rester jusqu’en fin d’après-midi, vous réalisez qu’après une journée à casser de la houle le coin se régale en soirée d’un coucher de soleil qui permet de mieux comprendre les habitués en terrasse.

D’une crique à l’autre

rocher de l'Anse Rouge noirmoutier antoinerenaultCes matins d’été: quand la mer est d’huile, le soleil chaud et la mer haute… Le vent a disparu. Les plannings aussi. Aucune espèce d’organisation ne résiste à ce temps là. La contrainte minimum du déjeuner de famille cède tacitement. Les enfants s’éparpillent, chacun à son plaisir improvisé. S’offrir un festin de baignades par exemple.

"Allée du Cob" ©AntoineRenault2016  acrylic on canvas 100x70cm

« Allée du Cob » ©AntoineRenault2016 acrylic on canvas 100x70cm

vue aérienne bois de la chaise antoinerenaultPasser d’une crique à l’autre, d’une plage à l’autre. Plonger de l’estacade, puis des rochers de l’Anse Rouge, puis de la jetée Lasserre au Nord des Souzeaux… remonter dans le bois de la Chaize côté Ouest, et finalement bifurquer à droite pour retrouver l’étendue de la Clère s’afficher en panorama large au bout d’un canyon de chênes verts et de pins. La serviette commence à être franchement humide. Hâte de retrouver le sable chaud dans quelques mètres. Et ce repère familier qui va apparaître légèrement sur la droite: le rocher du Cob.

 

Parádeisos?

paradise beach antoinerenaultC’est ici! Paradise beach. C’est son nom. Il y en a sur toutes les belles îles, je sais. Mais ici c’est différent: on est sur Amorgos. Au bout d’un chemin, dans l’axe du coucher de soleil. La transparence est au rendez-vous. Le soleil aussi. Les falaises ocre dense. L’eau vert sinople. En fin d’après-midi, on peut sauter au-dessus du soleil et frôler le paradis.

"Parádeisos" ©antoinerenault2016  acrylic on canvas 100x100cm

« Parádeisos » ©antoinerenault2016 acrylic on canvas 100x100cm

Agia Anna

agia anna antoinerenault.comC’est un endroit béni des Dieux. A deux pas du Monastère de la Panaghia Chozoviotissa. L’un des deux plus anciens de Grèce. Mais c’est aussi au pied de Agia Anna (Sainte Anne). La plus belle chapelle d’Amorgos immortalisée par le film « le Grand Bleu ». Quand on descend la falaise sur sa droite, on trouve un petit abri de pêcheur parfait comme point de départ pour une plongée. Les rochers plats sous-marins créent des transparences superbes. L’endroit idéal pour un shooting. Et l’inspiration suit naturellement.

"Agia Anna"  ©AntoineRenault2016  acrylic on canvas 100x70cm

« Agia Anna » ©AntoineRenault2016 acrylic on canvas 100x70cm

Translucence

Cette frontière bouge sans cesse. Selon que la vaguelette que l’on regarde est au soleil ou a l’ombre. Selon qu’il s’agisse du côté de l’oscillation qui fait face au soleil ou bien de l’autre. On bascule sans cesse des reflets bleu de ciel aux transparences vert de mer. Cette sophistication graphique me fascine. Quelques ourlets d’écume pour faire exploser le blanc et je suis comblé.

"Liquescent"  ©AntoineRenault2016  acrylic on canvas 100x70cm

« Liquescent » ©AntoineRenault2016 acrylic on canvas 100x70cm

Vers le Sud

cruising greeceGrande chaleur. On se faufile entre les énormes paquebots du port. Dans ce port, la mer a déjà la couleur qu’il me faut. Les collines d’Athènes disparaissent dans le sillage. De longues heures à slalomer entre les îles pendant que le soleil descend. Amorgos est une île qui se mérite. Les plus belles demandent un peu de patience. Le temps de prendre son temps. Faire des photos. Dessiner. Prendre sa première ration de soleil grec en rêvant d’un endroit qui va réussir à nous émerveiller. Encore.

"Sundeck"    ©AntoineRenault2015    acrylic on canvas 50x50cm

« Sundeck » ©AntoineRenault2015 acrylic on canvas 50x50cm